Il fut construit entre 1904 et 1908, à l'instigation de sa propriétaire Madame
Sarah Hershey Marsh, par Pierre Sardou architecte en chef des monuments
Historiques et fils du dramaturge Victorien Sardou.
Ce qui frappe, vu de l'extérieur, c'est la tourelle vitrée que l'on aperçoit
de loin. L'aménagement intérieur était grandiose avec un hall central de quinze
mètres de long et huit mètres de haut qui logeait un orgue. Les jardins étaient
dessinés de façon à garder dégagée la vue sur toute la région. Il y avait alors
fort peu de constructions. Entre les deux guerres, il changea plusieurs fois
de propriétaire.
Le 28 décembre 1945, le Manoir de Denouval est vendu à l'Union des Juifs
pour la Résistance et l'Entraide (U.J.R.E.). Cet organisme s'occupe de recueillir
à Montreuil, Arcueil, Le Raincy et Andrésy les orphelins juifs qui ont survécu
à la guerre et aux déportations.
Entre 1945 et 1949, près de 200 enfants de 5 à 13 ans séjournent dans le manoir.
Ils attendent des nouvelles de leurs parents ou de leur plus proche parenté.
Le peintre Marc Chagall fit un séjour auprès de ces jeunes à Andrésy
(photo 1945). Ce mouvement militant essaie
de réinsérer ces jeunes dans une existence quotidienne, scolarité, apprentissage,
malgré les horreurs vécues pendant les années passées. Ils fréquentent
les écoles communales d'Andrésy. Le
réalisateur Robert Bober a consacré un film aux enfants de déportés.
VIDEO
INA
Diaporama France Inter
Un livre relate la vie dans ces lieux de séjour
: “Les maisons de notre enfance” (éd. de l’Amandier) ISBN
2 907649 42 6 publié en 2001.
En juin 1994, plusieurs dizaines d'entre eux se sont rendus à Andrésy à la demande
de Daniel de Guéroult d'Aublay. A l'occasion du cinquantième anniversaire de
la libération des camps a été organisée à Andrésy une rencontre des pensionnaires
de la maison avec leur instituteur, monsieur Fraysse,
énergique retraité de 83 ans.
Article
de 1995
Tous les ans, le 8 mai, devant la plaque apposée rue du Gal Leclerc,
une cérémonie commémore le séjour des orphelins des déportés.
La propriété est de nouveau vendue en mars 1953 par l'U.J.R.E.
Le Manoir abritera de 1953 à 1968 le grand séminaire des Pères
Salésiens de Don Bosco.
Laissons la parole au Père René-Simon, Salésien :
"Le grand séminaire (1er cycle) des Pères Salésiens de Don Bosco (le grand apôtre
des jeunes) était implanté depuis 1946 au nord de Paris, à Villers-le-Bel, au
centre de ce qui avait encore l'allure d'un village classique de Seine-et-Oise.
Inconfortablement installés dans une maison à terrasse qui laissait passer l'eau
quand il pleuvait fort et dans les baraquements, étudiants et professeurs étaient
à l'étroit. A regret, il fallait quitter ces lieux qu'ils aimaient et les habitants
avec lesquels ils avaient noué de forts liens d'amitié pour chercher plus grand
et plus spacieux. Après de multiples explorations dans la banlieue parisienne,
nous avons découvert, à trois-quatre personnes, le " Manoir Denouval". Visite
enchantée d'une maison étrange, aux toits biscornus, avec un belvédère se terminant
à la manière d'une pagode chinoise. ..../
... Poussant plus avant notre curiosité, nous avons découvert la pièce centrale
du manoir : 8 mètres de haut, une grande baie vitrée, avec quelques restes de
vitraux, qui donnait sur une terrasse. En contrebas, un chemin de halage et
la Seine. Cette pièce était une salle de concert. Au fond, opposé à l'entrée,
se trouvait jadis un orgue qui avait été vendu avant notre arrivée. Sur la droite
de la salle, une mezzanine, fermée par un balcon, courait le long du mur ; un
escalier intérieur y conduisait. Au premier étage, un fumoir arrondi, dont la
baie vitrée donnait sur le parc ; de là, on pouvait voir un cèdre argenté, dont
les teintes variaient de semaine en semaine au cours de la belle saison ; à
droite, un araucaria. Ce fumoir servait de chambre à coucher....
Il faut dire, à l'attention du lecteur, que le manoir avait été construit aux
intentions d'une richissime Américaine qui le vendit par la suite à bas prix.
La propriété était très vaste et s'étendait jusque sur l'île d'en face. A l'arrivée
des Pères Salésiens, la propriété sur laquelle était bâti le manoir avait deux
hectares de superficie (les terrains n'étaient pas convoités à l'époque, comme
ce sera le cas plus tard et leur prix était peu élevé). Il y avait de quoi installer,
sur ces deux hectares, un terrain de foot pour les jeunes étudiants. Quelques
transformations furent nécessaires pour adapter l'édifice à ses nouvelles fonctions
: un plancher à mi-hauteur dans la grande salle pour aménager les deux parties
ainsi constituées, l'une en salle d'étude et l'autre en salle à manger ; le
péristyle qui terminait l'édifice fut fermé pour en faire une chapelle ; on
ajouta, en respectant le style du Manoir une cuisine et une lingerie. Le chalet
qui se trouve près de la route était destiné aux soeurs qui assuraient l'intendance.
Ainsi, tout était prêt pour accueillir en septembre 1952 les soeurs, le Directeur
et l'Économe, les professeurs et quelque cinquante étudiants qui restaient en
moyenne deux ans dans la maison. Dans ce séminaire de premier cycle, on étudiait
principalement la philosophie. D'autres matières avaient leur place : psychologie,
pédagogie, maths, anglais. En outre, on encourageait les jeunes à fréquenter
les facultés de Paris (libres et d'État) pour préparer des licences : lettres,
histoire, sciences, mathématiques, etc. (selon l'organisation de l'Université
à l'époque).
Nous eûmes de suite d'excellents rapports avec la population, à la fois étonnée
et enchantée dans sa grande majorité de voir une soixantaine de "soutanes" déambuler
à l'occasion dans les rues de la ville. Bien accueillis par la population, mais
aussi par le clergé. Chaque semaine, le jeudi, jour de congé scolaire, les "abbés"
s'égaillaient dans les différentes paroisses pour animer les groupes de jeunes.
Le dimanche, les prêtres disponibles rendaient service aux curés des environs.
Trois événements majeurs marquèrent pour nous cette époque : l'après-guerre,
encore toute proche et la reconstruction matérielle et morale du pays ; la guerre
d'Algérie, à laquelle la plupart de nos jeunes durent prendre part avec toutes
les questions qu'elle pouvait leur poser et nous poser. Et enfin, le concile
Vatican Il qui fut vécu par nous comme une bouffée de liberté et d'espérance.
Nous avons quitté le Manoir en juin-juillet 1968, après les fameux événements
de mai-juin, le coeur déchiré. Mais la vie est ainsi faite, de ruptures et de
redéparts instaurateurs. Notre passage à Andrésy fut une pâque et la pâque est
promesse d'espérance.
Père René-Simon, Salésien "
On cite parfois Rommel* ou Joséphine Baker* : rien ne
permet d'attester leur présence au Manoir.
* Rommel avait son quartier général à
La Roche Guyon en 1944.
*Joséphine Baker ouvre son parc
des Milandes en 1949. Elle résida au Vésinet de 1929 à
1947.
Il est maintenant divisé en 6 appartements et deux grands immeubles d'habitation
l'insèrent, formant la Résidence du Manoir de Denouval...