La batellerie à fin d'Oise

Sait-on que la navigation en Basse-Seine, entre Conflans et Rouen était extrêmement difficile au début du XIXe siècle ? Le sens normal du mouvement des marchandises, qui venaient de la Manche vers Paris, obligeait les bateaux à remonter le courant chargés. La navigation était interrompue six mois par an à cause des basses eaux. Elle se faisait à l'époque par halage. Si six à huit chevaux suffisaient en général pour un bateau, dans certains " pertuis ", notamment au pont de Poissy, à Bougival, il en fallait une quarantaine. De plus, le chenal creusé dans le lit de la Seine, et où les bateaux pouvaient trouver suffisamment de profondeur, se rapprochait tantôt d'une rive, tantôt de l'autre, à cause des méandres. C'est ainsi qu'il fallait changer les chevaux 52 fois de rive entre Paris et Rouen. La construction des barrages d'Andrésy et de Denouval s'inscrivait dans un projet de canalisation de la Basse-Seine, projet conçu en 1835 par l'ingénieur Poirée pour accroître le " mouillage " dans le chenal et faciliter la navigation en toutes saisons. Cela aura aussi pour effet d'accroître la profondeur de l'Oise jusqu'à Pontoise, facilitant ainsi la navigation du nord de la France vers Paris (principalement pour le transport de la houille).

La navigabilité ainsi donnée à la Seine et à l'Oise a eu sur Andrésy des conséquences importantes. C'est à partir de là que va se développer une activité liée à la navigation fluviale, dont il reste encore bien des traces aujourd'hui. En fait, il faudra la conjonction de deux éléments pour qu'Andrésy devienne à côté de Conflans-Sainte-Honorine un lieu actif pour la batellerie. La canalisation seule n'aurait guère touché notre commune du point de vue de la navigation si la traction mécanique ne s'était substituée au halage par les chevaux.

Le touage mis en œuvre en aval de Conflans vers 1860, et le remorquage à partir de 1880, vont révolutionner la navigation, principalement sur la Basse-Seine qui vient d'être canalisée par les barrages et écluses. Le touage est un système qui permet à un bateau (le toueur) de se tirer lui-même sur une chaîne ou un câble fixe immergé dans le lit de la Seine. Le toueur peut entraîner d'autres bateaux. Le toueur comportait une machine à vapeur qui entraînait le tambour d'enroulement du câble. La difficulté principale résidait dans les croisements de deux toueurs circulant en sens contraire. ils devaient s'opérer sur la même chaîne (ou le même câble) et exigeaient de désolidariser la chaîne ou le câble du tambour sur lequel elle était enroulée. L'invention du toueur à tambour électromagnétique assurera un peu plus tard une manœuvre plus sûre et plus rapide. Mais le toueur sera quand même détrôné par le remorqueur, beaucoup plus souple d'emploi.

A partir de 1880, des remorqueurs à vapeur, ressemblant aux remorqueurs maritimes de la Manche et de l'estuaire de la Seine, sont utilisés pour la navigation fluviale. Ils ont des cheminées qui s'abaissent pour passer sous les ponts et crachent une épaisse fumée. Alors que le halage se contentait de relais pour les chevaux, toueurs et remorqueurs ont besoin de ports, d'ateliers de réparation et de révision, de bureaux de gestion. Andrésy, comme Conflans, au confluent de la Seine et de l'Oise, mais mieux orientée vers la Basse-Seine, est bien placée pour l'implantation de ces activités. La fin du siècle verra s'installer à Andrésy plusieurs sociétés de touage et de remorquage employant plus d'une centaine de personnes, dont beaucoup résident sur place. C'est sans doute la raison pour laquelle l'on trouve encore dans les quartiers est d'Andrésy, près de la Seine, nombre de petites maisons ornées de maquettes de péniches, d'ancres et autres souvenirs rappelant la profession batelière de leurs occupants. De même, on peut faire remonter à cette époque le développement d'une activité commerciale vivant des mariniers dont les bateaux stationnent en amont, à la limite d'Andrésy et de Maurecourt, en attente du toueur ou du remorqueur : cafés, commerces d'alimentation et d'accastillage, dont il reste encore quelques éléments sur les quais.

Pour rédiger cet article, nous avons utilisé deux ouvrages auxquels on peut se reporter : AUBERT J., Barrages et canalisations, Paris, Dunod, 1949 et BEAUDOUIN F., Conflans-Sainte-Honorine et la Batellerie, Association des Amis du Musée National de la Batellerie.

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